Argo VFX se propose de donner la parole à des professionnels afin de vous faire découvrir les nombreux métiers liés à l’audiovisuel. Ce sont tous d’anciens étudiants dont j’ai croisé la route à un moment ou un autre.
On commence avec Steven Léauté, actuellement chez Axis Studios :
Christophe Fernandez : Salut Steven, quel âge as-tu ? Quelles fonctions occupes-tu aujourd’hui ou quel métier exerces-tu ?
Steven Léauté : Salut. J’ai 30 ans et aujourd’hui je suis Previs et Layout Artist chez Axis Studios à Glasgow. Cela consiste à créer les fondements de l’animation d’un film, créer une animatique 3D que l’on clean ensuite dans le pipeline afin que cela puisse être utilisé par les autres départements. Ce métier est assez généraliste : on touche à l’ambiance qu’aura chaque séquence, de la lumière jusqu’aux effets spéciaux, le but est de diriger les différents départements dans le sens des demandes du client. Quand il n’y a pas de modèles 3D correspondants à nos besoins on doit les créer et les ajouter à une bibliothèque. Le but est de créer de l’animation rapide à grande échelle.
On travaille d’après des storyboard 2D, des animatiques 2D, parfois des illustrations ou concept arts accompagnés de texte détaillé. En prévis on crée parfois la mise en scène de la séquence après une réunion avec le client et suivant ses indications. Mais c’est plutôt dans les petites boîtes. Sur les grosses productions tout est chronométré.
Aujourd’hui je travaille sur un projet Netflix dont je ne peux pas encore parler, mais j’ai travaillé sur Jingle Jangle chez Framestore produit par Netflix, ensuite sur un film intitulé The Big Red Dog chez MPC produit par Paramount Picture, Le seul et unique Yvan et Le Roi Lion produits par Walt Disney toujours chez MPC. J’ai aussi été quelque temps Lead Previs pour la société Big Tooth où j’ai conçu toute la prévis d’un projet qui devrait sortir l’année prochaine.
C.F : Quand as-tu su que tu voulais travailler dans ce milieu ? Tu étais plutôt artiste ou technicien ?
S.L. : C’est en regardant des films, et surtout Dragons, que j’ai tilté et compris que je voulais devenir artiste 3D. Je n’avais aucune idée de la manière dont il fallait s’y prendre, je pensais que cela était inaccessible, réservé à un autre monde jusqu’à ce que je me renseigne un peu et découvre qu’il y avait des écoles en France. À la base j’étais ingénieur informaticien. J’avais fait une licence en informatique et je n’avais pas du tout une base artistique même si je dessinais un peu de mon côté. Je ne me voyais pas réparer des ordinateurs toute ma vie, régler les problèmes des gens. À un moment j’en ai eu marre et j’ai décidé de me lancer dans la 3D.
C.F : Comment t’es-tu formé ? Quelle partie as-tu apprise seul et quelle autre en école ?
S.L. : J’ai commencé ma formation en école. Mais je n’en ai pas fait qu’une seule, j’en ai fait plusieurs. Je ne dirai pas qu’il y en a des bien ou des moins bien, mais plutôt qu’elles sont toutes différentes. Mais avant la fin de mon cursus j’ai préféré me former par moi même, on ne peut donc pas dire que je sois un élève exemplaire au niveau de mon cursus scolaire.
C.F : Que penses-tu qu’il ait manqué dans les écoles que tu as fréquentées ?
S.L. : Justement, le métier pour lequel je me passionne en ce moment – la prévis – les écoles de 3D en France ont tendance à l’oublier, alors que c’est la partie la plus importante d’un film. C’est ce qui va mettre en relation ce que l’on a imaginé puis dessiné en 2D avec la 3D. On va prendre des décisions de timing, faire des choix de caméras et d’animation en tous genre. C’est ce qui va faire que le film est captivant ou non, qu’il est beau ou pas. Il n’y a pas que les textures, l’animation, les rendus et les effets spéciaux dans un film, il y a aussi la façon qu’on a de le raconter. Et je trouve que l’on ne passe pas assez de temps sur ce département dans les écoles. J’ai d’ailleurs animé une masterclass dans une école en France justement pour expliquer ça et ouvrir ce milieu un peu fermé à ces questions.
C.F : Comment es-tu entré dans le milieu professionnel ? Quel a été ton premier contrat ?
S.L. : Je suis parti en Australie pendant un an après mes études, histoire de me nettoyer la tête, et pendant mon road trip j’ai continué à chercher à droite et à gauche. Mais sans expérience professionnelle c’était compliqué de trouver. On ne cherchait pas nécessairement des juniors, et quand on en cherchait, c’était des juniors avec de l’expérience, ce qui est un peu incompréhensible. À croire que l’on doive sortir de l’école avec de l’expérience. Les stages peuvent être utiles, mais ceux que j’ai pu faire n’ont pas apporté grand-chose à ma candidature.
Mais j’ai persévéré, et par le bouche à oreille, à force de chercher, on trouve. Sauf que j’ai trouvé à Londres et pas en Australie. J’ai passé un entretien téléphonique avec le Head of Department en prévis et layout de MPC. Et dans la semaine qui a suivi j’ai été pris dans le département layout en junior et j’y suis resté deux ans. J’ai travaillé la première année sur Le Roi Lion puis je suis passé sur Le Seul et unique Yvan. C’est là que j’ai été promu Key Artist, avec plus de responsabilité et d’autonomie sur les séquences, mais aussi pour accompagner les nouveaux artistes embauchés.
C.F : Avec quels logiciels travailles-tu le plus ?
S.L. : Maya essentiellement mais avec énormément de scripts et de logiciels intégrés. J’utilise aussi beaucoup Unreal engine, Nuke, Photoshop bien sûr, Premiere pro et parfois Zbrush.
C.F : Comment vois-tu les années à venir professionnellement ?
S.L. : J’essaye toujours de me fixer des objectifs. Quand j’étais en recherche d’emploi c’était de rentrer dans un studio, peu importe lequel. Une fois entré j’ai cherché à évoluer, et je cherche à monter toujours plus haut en cherchant des contrats plus élevés en termes de satisfaction, d’envie et bien sûr de rémunération. Mon but actuel c’est de viser les studios Pixar directement au lieu de passer par un studio qui sous-traite pour Walt Disney.
C.F : Que penses-tu de l’arrivée des plate-formes comme Netflix ? Est-ce que ça change la donne pour toi ?
S.L. : J’ai déjà eu du travail grâce à des productions Netflix, donc c’est plutôt positif. C’est surtout le Covid qui a créé des soucis avec la fermeture de certain studios. La VOD a permis de maintenir un nombre de spectateurs et au final sauvé une partie de la production, même si après avoir bossé deux ans h24 sur un projet on aurait préféré le voir au cinéma.
C.F : Est-ce que ça te dirait de donner des cours chez Argo VFX ?
S.L. : Carrément !
Plus d’infos sur www.stevenleaute.com